Organiser des évènements plus inclusifs avec Léa Niang

juillet 2023 Comm' inclusive & Interview Temps de lecture estimé : 6 mn

L’accessibilité et l’inclusivité sont de plus en plus mises au coeur de la communication et des réseaux sociaux. Mais lorsqu’il est question d’évènements en ligne ou en présentiel, il reste un bout de chemin à faire !

Aujourd’hui, Léa Niang, consultante en communication inclusive a répondu à quelques questions sur le sujet !
Au-delà de ses compétences en communication et des contenus instructifs qu’elle partage sur ses réseaux, Léa est aussi l’autrice de la (super) newsletter Make it Inclusive. Dans sa dernière édition, elle introduit un futur projet sur lequel elle est entrain de plancher : si ça vous intrigue, je vous invite à aller la découvrir ☀️.

Présentation

1. Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Léa Niang (elle), j’ai 29 ans et je vis dans le Sud Ouest de la France. Je me définis comme féministe, quarteronne et queer.

Côté pro, je suis consultante, formatrice et speaker en Communication Inclusive : j’aide et je forme les entreprises, petites et grandes, à inclure et à atteindre davantage de personnes via leur communication, sans stéréotypes et à leur rythme.

Je me suis lancée dans la Com Inclusive après 2 ans dans le marketing digital parce que mes convictions personnelles étaient devenues trop importantes pour ne pas les intégrer également à ma vie professionnelle. Je suis convaincue qu’en tant qu’entreprise, on a une responsabilité à assumer et un rôle à jouer dans la construction d’une société plus inclusive, plus accueillante et plus safe pour toustes.

2. Pour toi, que signifie “organisation d’évènements plus accessibles et inclusifs “?

Pour moi, un événement accessible et inclusif, c’est un événement auquel toutes les personnes qui le souhaitent peuvent assister dignement, et comprendre ce qui s’y dit. Par “assister dignement”, j’entends pouvoir y accéder facilement, s’y sentir en sécurité et être entendu·e si l’on veut prendre la parole.

Ça comprend donc plusieurs aspects :

  • les conditions d’accessibilité du lieu si c’est un événement physique
  • l’accessibilité du contenu, qu’on soit en digital ou en physique, pour les personnes ayant des troubles de l’audition ou de la vision : des sous-titres, des interprètes en langue des signes,..
  • l’établissement d’un espace safe, avec des règles claires et une tolérance zéro pour quelque violence ou propos discriminant qui soit.
  • la diversité du panel d’intervenant·es, avec une répartition équitable du temps de parole
  • l’utilisation d’un langage clair et compréhensible : utiliser un jardon compréhensible uniquement des initié·es, c’est pas vraiment inclusif. Ça contribue à limiter la diffusion du savoir à un nombre restreint de personnes, et ça a même un nom : le gatekeeping.
  • une “temporalité inclusive” : par exemple, en organisant un événement le mercredi après-midi, les mères se retrouvent bien souvent exclues, car ce sont elles, statistiquement, qui prennent en charge les enfants le mercredi après-midi. Dans ce cas-là, on prend en compte les données genrées, mais on peut aussi aussi prendre en compte les données relatives à la classe sociale, par exemple.
    En caricaturant un peu : si j’ai une entreprise en plein Paris et que j’organise des réunions/événements à 8h le matin, je les rend difficilement accessible aux personnes qui viennent de plus loin ( = éloignées des centres d’activité économique) et/ou qui sont tributaires des transports en commun ( = qui ne possède pas de véhicule personnel) – or statistiquement, ces personnes sont plus susceptibles d’être issues des classes sociales basses.

Je suis convaincue qu’en tant qu’entreprise, on a une responsabilité à assumer et un rôle à jouer dans la construction d’une société plus inclusive, plus accueillante et plus safe pour toustes.

3. Pourquoi ne pense-t-on pas souvent à rendre nos évènements digitaux et en présentiel accessibles et inclusifs même si on est dans cette démarche sur nos réseaux ?

D’abord, “le diable se cache dans les détails”, et c’est effectivement difficile de penser à tout, d’autant plus quand on est pris·e dans la spirale d’organisation d’un événement – versus la création de contenu qui est nettement moins stressante, disons le. Ça demande aussi de se mettre à la place des personnes qui ne nous ressemblent pas, et d’anticiper leurs besoins : c’est difficile ! On a vite fait de retomber dans nos biais, parce que c’est la voie facile pour notre cerveau (et donc pour notre organisation aussi !).

Ensuite, rendre un événement accessible et inclusif peut engendrer des coûts supplémentaires, en termes financiers, organisationnels ou logistiques. Sans les juger ni les blâmer, je pense que beaucoup d’organisateur·ices font l’impasse sur ces aménagements parce que le rapport coût/bénéfices ne leur semble pas assez profitable.

Enfin, tout simplement, un manque de connaissances sur cette problématique très spécifique ! Outre l’accessibilité physique des lieux publics qui est (censée être) obligatoire, on parle rarement des autres aspects d’un événement inclusif.

Les conseils pour des évènements plus inclusifs et accessibles

4. Pour des évènements digitaux, par quoi commencer et à quoi penser pour cela soit le plus accessible et inclusif possible ?

En amont de l’événement, comme on l’a dit plus haut, s’assurer que le créneau choisi n’exclue pas d’office une partie de l’audience potentielle.

Le cas échéant, solliciter des intervenant·es varié·es, en terme de genre, de race, de handicap,.. Évidemment, il faut que ces personnes soient pertinentes sur le sujet abordé : on n’est pas là pour cocher des cases et faire plaisir aux wokistes (moi !), mais pour élargir les points de vue et les expériences au sein d’un domaine de compétences donné.

Pendant l’événement, être absolument intransigeant·e sur le respect d’autrui : pas d’interruption de parole, pas de propos discriminants, ni de la part des intervenant·es ni du public. Il s’agit aussi de s’assurer que le temps de parole est correctement réparti.

Demander à chaque personne de préciser ses pronoms est aussi une bonne idée, ça permettra notamment d’éviter tout mégenrage pendant l’événement ou au moment des questions-réponses.

Sur l’aspect plus technique, de nombreux outils de conférence en ligne proposent désormais la retranscription en direct. C’est une façon d’inclure à la fois les personnes ayant des troubles de l’audition, mais aussi celles dont la langue maternelle est différente de la langue de l’événement.

Enfin, adopter un langage inclusif pour s’adresser aussi aux femmes et minorités de genre !

5. Et pour tout ce qui est masterclass pré-enregistrées ?

Les conseils sont sensiblement les mêmes, mais on peut proposer en plus une retranscription écrite de l’événement.

Le fait que l’événement soit pré-enregistré permet aussi de travailler un peu mieux les sous-titres de la vidéo, et éventuellement d’ajouter des trigger warnings ou content warnings en début de vidéo, si des sujets sensibles sont abordés ou des images difficiles sont diffusées.

5. Dans le cas de manque de moyens financiers, que conseilles-tu de faire ?

La plupart des pratiques inclusives n’ont pas de coût financier, il faut simplement y penser !

En ce qui concerne le sous-titrage, il existe de nombreux logiciels de sous-titrage automatique qui sont assez peu chers et permettent de gagner un temps considérable.

Si l’on veut faire intervenir des associations ou des activistes lors de son événement, l’idéal est évidemment de les rémunérer pour leur travail. Si cela n’est pas possible, on peut proposer un échange de services, sur la forme d’un “mécénat de compétences” par exemple : on va effectuer une mission pro-bono pour mettre nos compétences techniques au profit du développement de l’association.

Selon le degré d’implication de l’association, lui offrir de la visibilité peut également être un plan B – même si, je le rappelle, la visibilité ne paye pas les factures ! Il faut cependant s’assurer de le faire correctement : diffuser un film de présentation de l’association et/ou lui donner un temps de parole conséquent, et pas seulement un petit logo sur notre affiche. Attention également à ne pas ajouter une charge de travail supplémentaire aux personnes sollicitées.

Un mot de la fin ou un complément, c’est par ici !

Merci beaucoup d’aborder ce sujet dans ta newsletter, Jojo ! Et merci bis pour ton invitation

Un grand merci à Léa pour son temps et ses conseils précieux. Tu souhaites suivre son travail ou la contacter pour te faire accompagner, direction son compte LinkedIn, son Instagram, ou en la contactant direction par mail à contact@leaniang.com.

Ressources complémentaires